Les Carnets de Magellan

Pas un Rat à l’Ermitage

, 9 février 2018


A l’Ermitage, certains employés ont quatre pattes, une fourrure bien garnie et une vision nocturne acérée. Ne vous méprenez pas, ce ne sont autres que les « Chats de l’Ermitage », qui peuplent les sous-sol du musée depuis presque trois siècles.

En 1745, face à la prolifération de rongeurs qui risquent d’endommager les meubles de son palais, Catherine Ière, fille de Pierre le Grand, proclame un Oukaze pour faire venir de Kazan une armée de chats, sélectionnés pour leur agilité et leurs aptitudes à la chasse. On choisit des bleus russes, ces chats musclés au pelage gris bleuté.

Longtemps utilisés sur les navires pour chasser les souris, ces félins, que l’on dit originaires d’Arkhangelsk, seraient arrivés par bateau en Grande Bretagne par l’intermédiaire des marins. Selon une autre légende, les Vikings seraient à l’origine de leur arrivée en Europe.

Quoiqu’il en soit, ce sont eux qui ont pris possession de l’Ermitage au 18e siècle, notamment sous le règne de Catherine II qui n’avait de cesse d’agrandir les collections du musée.

Au fil des siècles, ce sont des générations de chats impériaux qui occupèrent le Palais, même pendant les guerres successives qu’affronta la Russie aux 18e et 19e siècle.

La seule période sans le moindre félin à l’Ermitage restera le douloureux Siège de Leningrad, qui dura presque 900 jours , durant la seconde guerre mondiale. A cette époque, les troupes allemandes condamnèrent tous les accès de la ville afin de l’asphyxier et pousser ses habitants à se rendre. Entre le 8 septembre 1941 et le 27 janvier 1944, Leningrad perdit plus de la moitié de sa population. Pour survivre, les assiégés mangeaient tout ce qu’ils avaient, même les animaux domestiques.

Après la guerre, face à la recrudescence des populations de rongeurs dans la ville, on fit venir de Yaroslavl quatre wagons entiers de chats pour repeupler la ville. Ainsi les chats revinrent à l’Ermitage.

Dans les années 60, on tenta de les remplacer par des produits chimiques, sans succès. Pendant les décennies qui suivirent, la colonie de chats resta à l’abandon, si bien que ce sont les employés du musée qui se cotisèrent pour acheter croquettes et litière aux matous délaissés. On créa même une campagne de récolte de fond : « un rouble pour un chat ».

Aujourd’hui, environ 70 chats de toutes races vivent dans les sous-sols de l’Ermitage, avec quatre personnes qui leur sont dévouées à temps plein. Le directeur du musée, Mikhaïl Piotrovski, veille à ce qu’ils ne soient pas plus nombreux. Comme chaque employé, tous les félins possèdent leur propre badge, avec nom, prénom et photo.

Tous les ans au début de l’été, on organise une journée consacrée aux Chats de l’Ermitage, l’occasion de récolter des fonds et de proposer à l’adoption certains pensionnaires.

D’ailleurs, ne les imaginez pas entassés dans une pièce exigüe, ils ont pour eux seuls près de 18km de méandres de couloirs. Même s’ils n’ont désormais plus le droit de gambader dans les salles d’exposition, on dit que leur seule présence éloigne les éventuelles souris imprudentes.

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